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Qui économise aujourd’hui sur la coopération académique n’économise pas sur les dépenses, mais sur notre avenir

Les budgets consacrés à la coopération au développement sont soumis à de fortes pressions, en Belgique aussi. Maintenant que la Flandre met fin à son soutien, il est crucial que la Belgique maintienne son engagement. Une économie aujourd’hui affaiblit demain notre position et notre influence stratégiques.

Le savoir comme capital stratégique

La Belgique ne possède ni pétrole ni gaz, mais elle dispose d’institutions d’enseignement supérieur de niveau mondial. Le savoir est notre ressource la plus précieuse. À travers le VLIR-UOS, l’ARES et l’Institut de Médecine Tropicale, les établissements belges d’enseignement supérieur collaborent à la recherche de solutions pour la santé, le climat et la stabilité dans le monde entier. Ce faisant, ils renforcent non seulement les universités locales, mais aussi la capacité belge en matière d’enseignement, de recherche et d’innovation.

La sécurité grâce au savoir, à la confiance et aux réseaux

La coopération académique – un volet souvent oublié de la « coopération au développement » belge – relie des personnes, des institutions et des pays par le biais du savoir, de valeurs communes, de la confiance et de l’innovation. Elle crée des réseaux durables et apporte des solutions innovantes aux grands défis, sur lesquels les relations politiques, diplomatiques et économiques peuvent s’appuyer. Elle contribue ainsi à la prévention, à la sécurité et à la prospérité.  

En partageant la connaissance, en renforçant les institutions locales et en construisant des réseaux durables, nos établissements aident à prévenir à l’échelle mondiale des tensions qui, autrement, se transformeraient en crises migratoires ou sécuritaires ayant également un impact en Belgique.
Elle crée de la confiance là où la politique échoue parfois, et pose, à travers ses réseaux, les bases d’une compréhension mutuelle et d’un monde plus sûr et plus prospère.

Outre un grand impact local — comme l’accès à des connaissances uniques, à l’innovation et à la stabilité —, la coopération académique procure aussi à la Belgique des avantages stratégiques : un « soft power » diplomatique grâce à des réseaux avec de futures et futurs dirigeants et entrepreneurs du monde entier, ainsi qu’un retour économique. Chaque euro investi dans la coopération académique renforce à la fois les capacités locales et notre propre force d’innovation, notre résilience et notre influence.

Intérêt à court terme ou affaiblissement stratégique ?

Dans un monde marqué par les tensions, la pression migratoire, le changement climatique et les menaces cybernétiques, la Belgique ne peut se permettre l’isolement international. Notre sécurité, nos valeurs et notre prospérité exigent une stratégie intégrée où la défense, la diplomatie et la coopération au développement se renforcent mutuellement. La coopération au développement est un instrument crucial qui favorise le savoir, la stabilité, l’influence et la prospérité — à l’échelle mondiale, mais aussi pour la Belgique elle-même.

Une diplomatie intelligente

L’un de nos plus grands atouts est le réseau mondial des anciennes et anciens étudiants de nos établissements d’enseignement supérieur. Beaucoup d’entre eux occupent aujourd’hui des postes clés dans les gouvernements, les universités et les entreprises de pays partenaires, et sont des passeurs pour notre diplomatie, nos entreprises et nos valeurs.

Prenons Éric Kalala, diplômé de l’UCLouvain, aujourd’hui CEO d’Entreprise Générale du Cobalt en République démocratique du Congo, entrepreneur influent en Afrique centrale. Il coordonne l’exploitation des minéraux critiques, essentiels à la transition énergétique et à l’industrie, tant en Afrique qu’en Belgique et en Europe.

Ou encore Kora Tushune, docteur en formation à l’UGent, actuellement secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur en Éthiopie. Grâce à ses excellents liens avec les universitaires flamands, il est un partenaire fiable et un bâtisseur de ponts, même en temps de conflit.

Coopération et innovation : des bénéfices pour toutes et tous

À Dakar, des chercheurs de l’UCLouvain, de la KU Leuven et de l’UGent développent et produisent des vaccins de haute technologie contre des virus comme le MPox, qui nous menacent également. Ces collaborations représentent un investissement stratégique dans une économie du savoir partagée, générant des réseaux de recherche, des politiques publiques renforcées et des spin-offs avec des entreprises.

Dans la forêt tropicale congolaise, des chercheures et chercheurs belges et locaux, à l’aide de la tour de flux de l’UGent à Yangambi, mesurent les échanges de CO₂, d’eau et d’énergie entre la forêt et l’atmosphère. Leurs données montrent que cette forêt absorbe toujours plus de CO₂ qu’elle n’en émet — un service climatique naturel qui ralentit le réchauffement. Grâce à cette coopération académique, la Belgique accède à des données climatiques uniques, renforce sa position scientifique et diplomatique dans les négociations internationales, et contribue à protéger un écosystème bénéfique aussi à notre propre climat.

Des étudiant·es et enseignant·es de l’AP Hogeschool ont construit en Ouganda, avec une université locale, un instrument de mesure permettant de suivre le climat et de prévoir les inondations. La prochaine étape y intégrera l’intelligence artificielle. Ce projet pourrait devenir un système d’alerte précoce capable de sauver des vies à grande échelle – en Ouganda et dans d’autres régions vulnérables comme Madagascar et Haïti, où des chercheures et chercheurs de l’UCLouvain développent un système similaire. Cette technologie pourrait d’ailleurs aussi être utilisée en Belgique, où les « bombes d’eau » deviennent de plus en plus fréquentes. Des entreprises ougandaises et belges y voient déjà un intérêt.

Au Niger, l’UCLouvain renforce les capacités locales de gestion des conflits et de consolidation de la paix afin de promouvoir la stabilité dans la région sahélo-saharienne — une zone durement touchée par le terrorisme et les crises migratoires.

Les exemples donnés ne représentent qu’un échantillon du travail de recherche et d’enseignement organisé par les universités, les hautes écoles et écoles supérieures des arts belges, financé par la coopération belge au développement et mené avec leurs partenaires locaux. Dans un monde où les rapports de force évoluent, la Belgique ne peut se replier sur elle-même.

La coopération académique n’est pas une dépense, mais un investissement rentable — sur les plans géopolitique, social et économique. Celui qui désinvestit aujourd’hui rend la Belgique plus petite et moins influente.

La coopération académique avec le Sud global est un levier pour le savoir, la stabilité et l’influence — précisément les outils qui permettent à notre économie ouverte d’assurer sa place dans le monde. Il est temps de revoir la coopération au développement pour ce qu’elle est : un investissement — un investissement dans la sécurité, dans les opportunités pour nos jeunes, dans des relations durables et dans des solutions anticipées aux problèmes que nous ferions mieux de prévenir plutôt que de subir.

Tout le monde doit contribuer aux efforts d’économie à venir, y compris la coopération au développement. Mais une politique avisée regarde plus loin que le présent.

Celui qui réduit fortement aujourd’hui les budgets de la coopération au développement n’économise pas sur les dépenses, mais sur notre propre avenir.

Pr. Mieke Van Herreweghe, présidente du VLIR-UOS, et Pr. Éric Haubruge, président de la Commission de la Coopération internationale de l’ARES.